
18-112 : Le projet qui révolutionne vos appels d’urgence et fait un demi-milliard d’économies !
Que se passe-t-il quand vous avez un accident et que vous appelez les numéros d’urgence ? Collé à votre téléphone, souvent en plein stress, un humain prend l’appel, vous rassure et met en place la réponse adaptée à la situation. Derrière cet appel, une mécanique huilée de lignes de téléphonie bien sûr, mais aussi un vrai patchwork de logiciels liés aux métiers de l’urgence.
Une plateforme qui gère aujourd’hui, entre douze et quinze mille appels (avec le 17, ndr). Pas besoin d’en rajouter plus pour vous faire comprendre que les précieux numéros que sont le 18 et le 112 (le numéro d’urgence européen) sont une clé de voûte de la sécurité civile. Leur bon fonctionnement est critique et tout changement dans leur infrastructure est donc critique.
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Sans tambour ni gros effet d’annonce, ces numéros d’urgence et leurs infrastructures sont pourtantaen train de se transformer, de s’unifier autour d’une plateforme numérique d’urgence unique – et souveraine. Pour le découvrir, nous sommes allés rencontrer une agence très discrète qui gère, rien de moins, que la future épine dorsale de notre sécurité : NexSIS 18-112, le système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours.
Une agence bien discrète
Si l’agence n’est pas à proprement parlé cachée, la sensibilité de ses activités fait qu’elle n’est même pas annoncée à l’accueil du bâtiment qui l’héberge. © Adrian Branco pour Les Numériques
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Derrière le projet « NexSIS 18-112 », se cache une entité dont vous n’avez sans doute jamais entendu parler : l’ANSC ou Agence du Numérique et de la Sécurité Civile. Et l’expression « se cache », est à peine exagérée. Lorsque nous arrivons au rez-de-chaussée d’un immeuble sis dans le sud de Paris, l’organigramme des différents étages annonce tout un tas de services… Mais pas l’ANSC. Ces bureaux ne sont pas secrets : les bons mots clés dans un moteur de recherche ou sur Google Maps font remonter l’adresse.
Pierre Casciola, directeur de l’ANSC. © Adrian Branco pour Les Numériques
N’attendez cependant pas de locaux ultra sécurisés à base de badges, portiques, reconnaissance rétinienne et autres sas – vous regardez trop de films d’espionnage. Quand on arrive au bon étage, seule une feuille A4 imprimée indique le service. L’agence, qui dépend du ministère de l’Intérieur, n’est pas un fantôme, mais elle évite la surexposition. « Nous n’avons pas la culture du secret. Mais du fait de la sensibilité de notre mission, à mesure que le projet avance, nous savons que nous serons de plus en plus exposés aux menaces, notamment cyber », explique Pierre Casciola, le directeur de l’ANSC.
C’est au sein de ces locaux qu’une vingtaine de personnes animent une agence qui pilote un pool de quarante développeurs de chez Octo, un cabinet de conseil de transformation numérique et le développement de logiciels appartenant au géant du conseil Accenture. Parce que le destin de cette agence n’est pas de devenir un géant du logiciel ou une énième grosse structure étatique qui s’alourdit. Mais d’être un agent autonome dans ses financements qui agit rapidement.
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L’interface d’accueil du logiciel affiche l’ensemble des modules. © Adrian Branco pour Les Numériques
Comme vous pouvez le constater sur la photo, NexSIS 18-112 est un logiciel en ligne auquel on accède depuis un simple navigateur. Une interface sobre qui regroupe de nombreux services : gestion des alertes, gestion des opérations, cartographie propre aux pompiers (le SIG, pour système d’information géographique), le répertoire des brigades, la gestion des comptes-rendus, etc. La « suite office » des centres d’urgence en quelque sorte.
Parmi les nouveautés de cette plateforme, on note la possibilité de localiser les personnes en temps , grâce aux informations réseau des smartphones, une plus grande interopérabilité des services (pompiers et Samu), la capacité de produire des statistiques nationales à la volée (« une première », nous assure-t-on), le maintien des informations lors du passage de l’appel d’un service à l’autre ou encore un système de cartographie mêlant données IGN et les informations propres aux pompiers (le SIG, pour système d’information géographique).
© Adrian Branco pour Les Numériques
Mais cette plateforme est aussi et surtout tout à la fois open source et unifiée entre tous les départements – facilitant la coordination des besoins au niveau national. Et alors que le marché des logiciels pour casernes de pompiers est actuellement partagé entre quatre éditeurs privés, NexSIS 18-112 est un logiciel qui appartient à l’état.
Et alors qu’il est déployé de manière opérationnelle sur une dizaine de départements, il est déjà en étant d’amélioration permanente : « Nous livrons une mise à jour du système toutes les deux semaines », nous explique Pierre Casciola. « Et toutes nos briques sont prêtes pour l’intégration future d’IA. Qui pourront, dans un futur proche, utiliser les données d’opération pour aider les décisionnaires à savoir où ouvrir une future caserne ou aider à la planification départementale des mesures d’urgence par exemple. »
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Les pompiers disposent de leur propre système de cartographie : le SIG. © Adrian Branco pour Les Numériques
Un logiciel conçu et validé par une agence de l’état, codéveloppé par des pompiers, avec des sources ouvertes et qui semble facile à faire évoluer : si la liste d’atout est longue, NexSIS 18-112 n’a pas été imposé. «* Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) sont de la compétence des départements* », nous détaille Pierre Casciola. « Et après trente ans de contrôle sur leurs systèmes informatiques (les SI dans le jargon, ndr) il nous a fallu convaincre », poursuit-il. Une tâche ardue au départ, car les directions départementales devaient à la fois continuer de payer leurs logiciels existants tout en investissant dans un nouveau système.
Outre l’évolution des mentalités et la capacité de conviction – ainsi que la patience ! – de l’ANSC, un atout particulier a sans doute fait pencher la balance de nombreux centres de sécurité : les économies promises.
Un demi-milliard d’euros d’économies sur dix ans
Cette interface de test affiche en temps la santé des différentes briques logicielles du système Nexsis 18-112. Un service qui va devenir la pierre angulaire de la sécurité civile. © Adrian Branco pour Les Numériques
Les mots « états » et « grands projets informatiques » n’ont généralement pas très bonne presse. Il faut dire que ceux qui suivent le sujet peuvent avoir en tête le scandale de plateformes comme Louvois. Un infâme logiciel de paie des armées qui, déployé entre 2011 et 2019, a mis des dizaines de milliers de familles de soldats en difficulté. Et a coûté des centaines de millions d’euros en développement et en erreurs.
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Du côté de l’ANSC, le statut spécial de l’agence créée par un décret ministériel en 2019 évitait de facto la gabegie. Car si l’agence a été initialement financée par l’état à hauteur d’un tiers de ses besoins, a sa charge de chercher le reste de l’argent. « Bien que je ne sois pas un éditeur privé, c’est comme ça que nombreux de SDIS m’ont considéré pendant un premier temps », se remémore Pierre Casciola. « Nous avons dû convaincre les SDIS et la tâche est énorme. Car s’il s’agit bien d’une plateforme, cela représente cent contrats (un par département, ndr) et donc cent doctrines d’urgence différentes ! »
Mais l’ANSC avait dans sa manche un atout massue : une promesse de substantielles économies. « Outre des améliorations opérationnelles qu’il faudra chiffrer, on estime que NexSIS 18-112 devrait faire économiser aux alentours de 40% de coûts, rien qu’en SI ». Un pourcentage qui ne veut rien dire pour le commun des mortels.
Mais que Pierre Casciola transforme ainsi : « Selon un rapport préliminaire de la cour des comptes qui devrait paraître en octobre 2025 prochain, l’unification du système pourrait faire économiser jusqu’à 500 millions d’euros sur dix ans ». Pour notre état surendetté comme le nôtre, la promesse d’un demi-milliard d’économies est peut-être modeste par rapport au reste, mais néanmoins bienvenue.
Ce d’autant plus que le projet ne fait pas non plus d’impasse sur un élément de plus en plus crucial dans le monde numérique actuel : la souveraineté.
Service public sur cloud (souverain) privé et redondant
Pierre Casciola, directeur de l’ANSC et Damien Lucas, Directeur Général de Scaleway. © Adrian Branco pour Les Numériques
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Outre les développeurs (Français) d’Octo, l’agence s’appuie sur Orange pour les lignes d’appel, mais aussi et surtout sur un acteur majeur : le français Scaleway. Filiale cloud du groupe Illiad, propriété de Xavier Niel, Scaleway est, avec OVH, l’autre champion du cloud made in France. Oui, vous avez bien lu : dans certains départements, toute l’infrastructure des appels d’urgence ne repose pas sur des serveurs de l’Etat, comme le cloud π du ministère de l’Intérieur. Mais par le biais d’un partenaire privé.
Privé, mais plus souverain que le prototype initial qui reposait à ses débuts sur AWS, la plateforme cloud du géant américain Amazon ! Pourquoi donc un système aussi sensible que celui de nos urgences se déploie-t-il sur un cloud privé ? « Dans certains domaines, comme les informations liées aux élections par exemple, il est en effet impensable que ces services aillent chez un acteur privé », reconnaît le DG de Scaleway Damien Lucas.
Des serveurs opérés par Scaleway en région parisienne © Adrian Branco pour Les Numériques
En effet, c’est le cloud interne de l’état, qui gère des données sensibles comme les finances publiques (Nubo) ou les informations du ministère de l’Intérieur (cloud π). Un cloud certes très sécurisé, mais qui impose de nombreuses limites (stockage, vitesse, redondance, ndr). Pour certains autres applicatifs moins critique en revanche, l’exécution au moins dans un premier temps chez des partenaires privés reste largement acceptable. Dès lors que la technologie est au niveau et que la souveraineté est respectée.
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Et c’est là que Scaleway a ses armes, tant du côté du logiciel que des infrastructures. « Nos concurrents se reposent sur des briques non souveraines. Par contraste, toutes la pile logicielle de Scaleway est basée sur des briques open-sources et des développements en propre» se félicite Hadrien Faucquez, responsable Secteur public chez Scaleway.
Côté infrastructures, là encore, Scaleway fait valoir son savoir-faire : « Nous sommes le seul acteur français à offrir une capacité de résilience comparable aux entreprises américaines. Tous nos centres de données disposent de deux arrivées de fibre différentes et de deux arrivées d’énergies différentes. Dans le cas de NexSIS 18-112, le service est redondant sur la région Paris (qui compte plusieurs centres de données distants de plusieurs dizaines de kilomètres)* et sur la région Amsterdam* », détaille Damien Lucas.
Des racks de disques durs dans un centre de données opéré par Scaleway. © Adrian Branco pour Les Numériques
Une duplication aux Pays-Bas qui promet une sacrée résilience : « Le dual run d’Amsterdam fait que même si tous les centres de données de Paris tombaient, on aurait un service toujours opérationnel avec une reprise de la donnée d’une heure », se félicite-t-il.
En cas d’attaque nucléaire sur Paris, les numéros 18 et 112 de la plateforme unifiée NexSIS 18-112 devraient donc fonctionner normalement sur tout le reste du territoire. Mais que se passerait-il si tous les centres de données étaient attaqués par, disons, des missiles russes ?
Face à cette question, Pierre Casciola ne se démonte pas : « La résilience c’est le cœur de métier des pompiers. Dans le cas où le système tombe, les pompiers ont toujours des formations pour faire tourner la boutique avec leurs armes fatales : le papier et le crayon ».
Note : les URL des photos publiées dans cette article ont été floutées pour des raisons de confidentialité.
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